Psychologie cognitive
Résumé:
En France, plus de 40% des enfants sourds présentent des difficultés de lecture.
Pour mieux comprendre cet état de fait, nos travaux de thèse ont cherché à évaluer le poids de 2 types de prédicteurs cognitifs sur l’identification de mots écrits dans cette population : la conscience phonologique (concept fortement débattu chez les enfants sourds selon leur profil linguistique) et l’EVA (compétence visuo-attentionnelle jamais mesurée chez les enfants sourds). Nous avons recruté une population pédiatrique composée de 93 lecteurs, enfants entendants, sourds oralisants et signants (CE2-CM2) et leur avons proposé une large batterie de tests. Les principaux mesuraient la détection de rimes en condition neutre (sans aide spécifique) et avec aides labiale ou orthographique, l’EVA via le logiciel EVADYS et la lecture de mots en tâche de décision orthographique sur support d’images (entre un mot cible, un pseudohomophone et un voisin orthographique).
Nos résultats révèlent une variation du poids des facteurs phonologiques selon le statut auditif et linguistique des participants. Ainsi, la conscience phonologique, médiatisée par la lecture labiale chez les enfants sourds oralisants, participe à la reconnaissance des mots écrits. A contrario, chez les enfants sourds signants la conscience phonologique n’explique pas les performances de lecture et c’est la lecture labiale au niveau lexical qui participerait directement à l’identification des mots écrits. D’autre part, l’EVA semble être également un prédicteur complémentaire de la lecture de mots (sans effet compensatoire en cas de déficit phonologique) et ce pour tous nos groupes.
Ces résultats ouvrent des perspectives vers une meilleure compréhension des stratégies visuelles des enfants sourds et invitent au développement d’outils rééducatifs et pédagogiques adaptés et manquant jusqu’à maintenant aux cliniciens et enseignants.